Une longue quête... [Rp libre]

Bombay, Inde, 16ème siècle.

Azeleen marchait lentement dans les rues pleines de monde de Bombay. Elle portait une belle robe bleue pastel, ainsi qu’une ombrelle, des gants et un chapeau assortis. Ses longs cheveux noirs étaient relevés en un chignon compliqué, dévoilant sa nuque blanche. Hormis son visage, chaque partie de son corps était masquée, afin d’éviter le brûlant soleil indien. Son visage blanc était protégé par la délicate ombrelle.
Tous les gens se retournaient sur sa peau blanche et ses yeux clairs. Azeleen ne leurs prêtaient aucune attention. Elle restait concentrée sur son chemin. La chaleur et la foule l’étouffait, et malgré toutes ses protections, elle sentait le soleil picoter sa peau. Comme à son habitude, elle n’y laissa rien paraître.
Azalie était restée dans sa chambre du luxueux hôtel : elle ne supportait pas du tout la chaleur. Azeleen l’avait prévenue que le soleil d’Inde était impitoyable, surtout pour des vampires, mais sa jeune sœur avait voulu à tout prix l’accompagner. Maintenant elle se morfondait à cause de la chaleur et du bruit. Azeleen n’avait fait aucun commentaire et était sortie seule.
La vampire arriva sur une place, où se tenait un gigantesque marché. Elle s’y enfonça sans hésiter. Les marchands la hélèrent, mais elle ne désirait pas acheter quoi que ce soit. Elle voulait juste des informations, qu’aucun de ces marchands ne pouvaient détenir. Elle ne prêta aucune attention aux étoffes colorées, aux bijoux étincelants, aux épices parfumées…
Un léger son de flûte retint son attention. Elle se tourna vers l’origine de la musique. Assis par terre, vêtu seulement d’un pagne et d’un turban blanc, se tenait un vieil homme, qui jouait une douce mélodie à la flûte. A côté de lui, il y avait un panier en osier. Lentement, le couvercle de souleva, dévoilant un long cobra aux écailles vertes. Le serpent se quilla lentement, tout en déployant sa collerette. Il ondula au rythme de la musique, dévoilant ses crochets. Azeleen regarda le spectacle, comme fascinée.
Au bout de quelques minutes, le serpent s’enroula dans le panier, et le vieil homme referma le couvercle, cessant de jouer. Azeleen s’approcha de lui, et lui tendit une pièce d’or. Le viel homme écarquilla les yeux, puis s’inclina jusqu’au pied de la femme.

-Noble Dame, je ne mérite pas tant de générosité.

Azeleen ne bougea pas. Face à son absence de réaction, le vieillard se redressa lentement, puis regarda le visage d’Azeleen. Il sursauta et eut un mouvement de recul.

-Vos yeux…J’en ai vu des identiques !

Le cœur de la vampire fit un bond, mais elle se contenta de demander froidement :

-Tiens donc…Et à qui appartenaient ces yeux ?

L’homme tremblait de tous ses membres. Toujours à terre, il tentait de reculer petit à petit. Il balbutia :

-Vous êtes comme lui ! Vous êtes un démon !

Il murmura des prières indiennes, les yeux fermés. Azeleen s’agenouilla face à lui et lui murmura :

-Quand avez-vous vu ce démon ? Répondez-moi.

-Laissez-moi, créature démoniaque !

Les yeux du vieil homme étaient exorbités, de la bave s’échappaient de ses lèvres. Azeleen décida de profiter de sa terreur.

-Si vous ne voulez pas subir d’atroces souffrances, je vous conseille de me répondre.

-C’était…c’était il y a deux mois.

Azeleen se redressa comme si elle avait reçue une décharge électrique. Son frère était passé par là il y a deux mois. Peut-être était-il encore ici…Mais comment le retrouver dans une si grande ville ?
La vampire se tourna vers le vieil homme, lui fit un sourire et lui lança la pièce d’or.

-Merci, vieil homme.

Elle se détourna et retourna à l’hôtel. Elle était plus près du but que jamais.

Quand Azeleen regagna son hôtel, l’après-midi touchait à sa fin. Elle rentra dans le bâtiment aux grands murs blancs finement décorés. Un portier s’inclina devant elle et lui tint la porte. Elle ne lui accorda même pas un regard. Le hall était vaste et éclairé. La décoration était très pittoresque, presque trop chargée. Azeleen, qui préférait de loin la sobriété, plissa le nez. Elle n’aurait pas dû laisser sa sœur choisir l’hôtel. Les membres du personnel qu’elle croisa s’inclinèrent profondément, et la saluèrent de leurs voix graves et profondes.
Elle entra dans sa chambre, qui se trouvait dans un long couloir tapissé de tentures orange et rose. Sa sœur et elle dormaient dans la même pièce. La chambre était spacieuse et confortable, dans les tons orangés. Les volets étaient clos, ne laissant filtrer que quelques rayons de lumière.
Azalie était allongée sur un des lits. Elle ne ressemblait pas beaucoup à Azeleen. Son visage était rond et poupin, elle avait des formes plus voluptueuses que celles de sa sœur. Ses cheveux formaient des boucles châtain, ses yeux étaient d’un bleu foncé. Les deux sœurs avaient exactement la même peau, et quelques traits en commun. Azalie ouvrit les yeux quand sa sœur s’assit au bord du lit. Elle s’exclama :

-Tu es enfin là ! Ca fait des heures que tu es partie ! Je commençais à m’inquiéter ! Tu as trouvé ce que tu voulais ?

Azeleen lui fit un petit sourire. Elle ne lui avait pas parlé de sa quête : lorsque leur frère, Azel, était évoqué, Azalie entrait dans une colère noire. Elle ne lui pardonnait pas d’avoir quitté la maison. Elle croyait que c’était à cause de lui que ses parents avaient été assassinés. Azeleen n’avait bien sûr jamais avoué que c’était elle-même qui les avait assassinés…

-Non, je n’ai rien trouvé. Et toi, qu’à tu fais de ton après-midi ? J’espère que tu es allée te promener un peu.

-Je suis à peine sortie, il fait trop chaud ! Et ce soleil est vraiment trop agressif ! J’ai l’impression que ma peau va se désintégrer !

Azeleen eut un très léger sourire amusé. Malgré ses cinq siècles, sa sœur était tellement sensible…Elle se leva puis se tourna vers Azalie.

-Le soleil commence à se coucher. Tu veux qu’on fasse un tour près de l’hôtel ? J’ai repéré des très jolis parcs ombragés.

Azalie accepta, un peu à contrecœur.
Quelques instants plus tard, toutes deux déambulaient lentement dans les rues ombragées de Bombay, bras dessus bras dessous, chacune une ombrelle à la main. Les passants regardaient passer, bouche bée, ces deux magnifiques créatures à la peau si pâle, empreintes de mystère. Elles s’arrêtèrent dans un petit parc bien entretenu. Elles s’assirent au bord d’une fontaine représentant une divinité indienne. Elles ôtèrent précautionneusement leurs gants, puis se passèrent de l’eau fraîche sur les mains et le visage. Elles s’amusèrent ensuite à s’asperger. Leurs rires cristallins faisaient s’envoler les oiseaux et se retourner les passants.
Azeleen sentit qu’on les observait. D’un air naturel, tout en parlant à Azalie, elle remit ses gants. Elle fit mine de montrer quelque chose à sa sœur, et se retourna. Un homme, assit sur un banc à une vingtaine de mètre d’elles, avait la tête tournée dans leur direction. Un masque de métal masquait son visage, il était impossible de distinguer le moindre millimètre de peau. Azeleen n’eut besoin que d’un rapide coup d’œil pour le détailler. Elle se tourna vers Azalie. Elles échangèrent un regard. Elle aussi avait remarqué celui qui les épiait. L’air de rien, comme si elle parlait de la pluie et du beau temps, Azalie se pencha vers sa sœur et lui dit :

-A l’hôtel, j’ai entendu des rumeurs sur un homme masqué qui déambule dans les rues de Bombay depuis quelques jours…C’est sûrement lui.

Azeleen fit mine de sourire et d’acquiescer. Elle réfléchit à toute vitesse. Elle ne savait pas si cet individu leur était hostile ou pas. Selon sa posture, il n’avait pas l’air aux aguets, il semblait juste les observer tranquillement. Azeleen devina que cet homme devait être un vampire : qui d’autre aurait besoin de se couvrir autant en plein jour ?
Finalement, Azeleen se décida. Elle se leva d’un mouvement gracieux, puis s’approcha de l’homme masqué. Elle s’arrêta à quelques pas de lui et regarda l’endroit où auraient du se trouver ses yeux. D’un ton distant mais poli, elle demanda :

-Bonjour, monsieur. Il me semble que vous nous observez depuis tout à l’heure, ma sœur et moi. Peut-être nous connaissons-nous ? Si vous dévoiliez votre visage, il serait plus aisé pour moi de vous reconnaître.

Elle attendit patiemment la réponse de l’homme, sous le regard inquiet de sa sœur.

Azeleen esquissa un très léger sourire aux paroles de l’homme masqué. Plus de doute, cet homme était un vampire. En entendant ses paroles alambiquées, Azeleen devina qu’il s’agissait d’un aristocrate. Il devait sûrement faire partie du clan Ventrue ou Daeva…Elle savait qu’il n’était pas dupe quand à leur origines à elles.
Elle répondit, toujours sur le même ton froid et poli :

-J’ai la peau très sensible, en effet. Mais il serait trop dommage de ne pas profiter des charmes de cette ville, ne croyez-vous pas ? Je suis sûre que vous-même êtes sensible à la beauté ambiante.

Elle tendit sa délicate main gantée. Elle n’avait pas peur de cet inconnu. Elle se savait assez forte pour lui échapper s’il se révélait hostile. Mais peut-être que cette rencontre allait se révéler utile…

-Je suis Azeleen Drevan, du clan Ventrue. Voici ma jeune sœur, Azalie. Et vous, qui êtes-vous ?

Elle attendit sa réponse. Elle espérait que ce vampire pourrait l’aguiller dans sa recherche de son frère. Elle se surprit à éprouver un désir plus profond : peut-être que cet homme masqué était son frère… Elle chassa cette folle pensée. Elle ne voulait pas être déçue une nouvelle fois.

Azeleen fut légèrement surprise lorsque Marfeis ôta son masque. Elle s’attendait presque à voir un être repoussant…Mais l’homme qui se tenait devant elle n’avait rien de repoussant. Elle reconnut à son sourire et son regard un fin séducteur. Azeleen rit intérieurement. S’il avait pour projet de la séduire, il serait déçu !
En tout cas, elle était sûre que ce n’était pas son frère. Elle en ressentit toutefois un léger pincement au cœur…
Azalie s’approcha d’eux, et ils se saluèrent. Azeleen regarda attentivement sa sœur. En voyant son regard lumineux, elle poussa un soupir intérieur. Azalie était plutôt naïve dans ce domaine là…Elle s’était déjà faite piégée plusieurs fois par des hommes à femmes, mais cela ne lui avait apparemment pas servit de leçon.
Azeleen décida qu’elle essaierait de lui éviter une nouvelle mésaventure. Elle se tourna vers Marfeis.

-Nous serions ravies de nous promener un instant avec vous. Le coucher de soleil est magnifique depuis les jardins du palais du sultan.

Elle se plaça ostensiblement entre sa sœur et Marfeis. Ils quittèrent tranquillement le parc.
Le soleil commençait à décliner, remplissant la ville d’une lumière dorée de plus en plus faible. En peu de temps, tous trois atteignirent le palais du sultan. Les jardins, en début de soirée, étaient accessibles à tous. Il y avait là une trentaine de notables, indiens ou étrangers, venus admirer le coucher de soleil.
Le ciel était magnifique : le soleil rouge tranchait avec un ciel orangé, rose, mauve…Des exclamations retentirent parmi les spectateurs. Azalie ouvrait grand les yeux, et poussa un petit cri de ravissement. Azeleen se contenta de laisser s’échapper un léger un sourire.
En quelques instants, le soleil avait totalement disparu. Les nobles commencèrent à s’en aller. Azeleen se tourna vers Marfeis :

-Ce n’est pas la première fois que je vois le soleil d’Inde se coucher, mais je ne m’en lasse pas. Est-ce votre premier voyage dans ce pays ?

Son ton était léger, mondain. Mais toute son attention était portée vers son interlocuteur.

Azeleen fit un léger sourire à Marfeis, puis regarda à nouveau le ciel. Quelques étoiles commençaient à poindre par-ci par-là. La lune se levait, s’imprimant dans les yeux d’un bleu si clair d’Azeleen. Celle-ci était en train de songer à la manière de questionner leur interlocuteur sans que Azalie ne se doute de là où elle voulait en venir. Elle se tourna à nouveau vers Marfeis.

-C’est donc votre premier séjour en Inde…Êtes-vous arrivé ici depuis longtemps ? Il me semble que vous devez beaucoup voyager…Mais peut-être que je vous ennuis avec mes questions ! Peut-être voulez vous regagner votre hôtel ?

Tout en parlant, Azeleen cherchait un moyen de se retrouver seule avec cet homme. Mais il n’était pas aisé d’éloigner Azalie…Elle maudit intérieurement sa sœur.
A ce moment là, celle-ci se tourna vers Marfeis et Azeleen, et s’exclama, les yeux brillants :

-Que diriez-vous d’une chasse ? La nuit est douce et fraîche, ce fin croissant de lune n’éclaire pas grand-chose…C’est le temps idéal !

Azeleen songea que c’était peut-être une bonne idée…Elle aurait peut-être l’occasion de questionner le seigneur, et elle pourrait arpenter la ville pour chercher des traces de Azel, son frère…Elle interrogea le vampire du regard.

-Ma sœur n’a pas tort…Qu’en dites-vous ?

Finalement, Marfeis avait compris les intentions d’Azeleen. Elle lui accorda de nouveau un léger sourire, puis lui dit :

-Ne vous inquiétez pas, il n’est pas dans nos habitudes de faire des massacres. Nous préférons de loin la subtilité. Venez avec moi, je connais des endroits où la vie continue même la nuit.

D’un pas léger et silencieux, les trois vampires s’enfoncèrent dans les rues sombres de Bombay. Azeleen sentait l’excitation d’Azalie monter. La jeune vampire avait toujours été impulsive et impatiente : ses proies ne faisaient pas long feu. Azeleen, quand à elle, était beaucoup plus perverse. Elle adorait s’amuser avec la frayeur de ses victimes avant de plonger ses crocs dans leurs chairs. Elle aimait que ses proies sachent qu’elle était la prédatrice. En général, ses chasses prenaient du temps, poursuivre ses proies étant son activité favorite. De cette manière, elle parvenait à éviter les pulsions meurtrières qui la saisissaient dans son enfance…
Dans une ruelle déserte, elle grimpa avec agilité sur un toit plat d’une maison, et fit signe aux autres de faire de même. Ils sautèrent aussi silencieusement que des chats de toit en toit, dirigés par Azeleen. Elle les menait vers le quartier des plaisirs.
Ils arrivèrent sur un toit surplombant une rue encore pleine de vie. Des lumières rosées parcouraient la rue, des femmes vêtues très légèrement étaient appuyées contre les murs, et des hommes déambulaient tranquillement.
Les trois vampires observèrent la rue pendant quelques instants, les yeux brillants. Azeleen murmura :

-Le sang des Indiens est très différent du sang européen…Il est plus chaud, plus savoureux…C’est du moins mon impression.

Les yeux d’Azalie étincelaient dans l’obscurité.
Une prostituée et son client quittèrent la rue principale pour s’enfoncer dans une ruelle sombre, juste en dessous d’eux. Les deux sœurs se lancèrent un regard entendu. Azeleen murmura à Marfeis :

-Nous avons nos proies…Joignez-vous à nous, ou alors trouvez en une troisième.

Les deux femmes glissèrent silencieusement dans l’ombre. Azeleen sauta sur le toit juste en face, de l’autre côté de la rue. Maintenant, les deux sœurs se trouvaient de chaque côté de la rue. Azeleen fit intentionnellement bruisser sa robe. Le couple se retourna, puis l’homme en profita pour peloter la péripatéticienne. Celle-ci gloussa, et lui jeta un regard provocant. L’homme regarda autour de lui, puis plaqua la femme contre le mur en lui embrassant le cou et la poitrine. Elle continuait de glousser.
Azalie éclata d’un rire grinçant et cruel. Le couple sursauta, se reprit puis se mit à marcher rapidement dans la ruelle. Azalie surgit devant eux, un sourire dévoilant ses longues canines, les yeux qui brillaient d’une folle excitation. La femme cria, et ils firent demi-tour. Azeleen se tenait juste derrière eux, un simple sourire aux lèvres. La vampire s’approcha calmement d’eux, passa sa langue sur ses lèvres fines.
Les deux humains tremblaient. La femme semblait sur le point de s’évanouir. L’homme regardait successivement les deux vampires, paniqué. Puis il poussa la prostituée sur Azalie et s’enfuit en courant vers le fond de la rue. Azalie saisit la femme par la taille et planta ses crocs dans sa gorge. Un cri étranglé sortit de la bouche de la victime.
Azeleen suivit calmement l’homme. Elle savait que la rue débouchait sur une impasse. Silencieusement, elle grimpa à nouveau sur les toits et se mit à la hauteur de sa proie. De temps en temps, elle laissait échapper un bruit de pas ou un bruissement de robe.
L’homme sentait qu’il était suivi. Il trébuchait sans cesse, haletant, les yeux fous. Il arriva dans l’impasse. Il poussa un gémissement et se retourna. Devant lui, la rue était vide. Azeleen s’approcha silencieusement derrière lui. Ses yeux étincelaient. Elle se plaça derrière lui, et lui souffla sur la nuque. L’homme se raidit et ferma les yeux. Azeleen promena ses lèvres sur le cou de l’homme, puis remonta jusqu’à son oreille. Elle murmura :

-Tu as peur ?

L’homme s’effondra au sol, se retourna vers elle, et tenta de ramper à reculons, absolument terrorisé. Azeleen s’agenouilla près de lui, posa sa main son torse pour l’immobiliser. Elle lui fit un doux sourire, puis plongea brusquement ses crocs dans son cou. L’homme ne poussa même pas un cri.
La vampire avala à grandes gorgées le sang chaud qui jaillissait. Quand elle fut repue, elle se redressa. Ses lèvres et son menton étaient teintés de rouge. Elle regarda autour d’elle, pour tenter de repérer la présence de Marfeis et de sa sœur.

Azeleen observa Marfeis, enlacé avec une très jolie jeune femme. Azeleen fut à peine surprise par la douceur avec laquelle il embrassait la jeune femme, et la délicatesse avec laquelle il la mordit. La jeune femme expira doucement, comme si elle ne s’en rendait pas compte.
Azeleen s’approcha de Marfeis, tout en s’essuyant gracieusement la bouche. Elle lui dit :

-Jolie proie…Son sang devait être goûteux. Mais je trouve le sang des femmes trop doux à mon goût.

Azalie s’approcha d’eux à ce moment là. Ses yeux étincelaient encore. Apparemment, son appétit n’était pas encore rassasié. Elle dit à sa sœur :

-Tu avais raison à propos du sang indien, Azeleen. Tellement savoureux…

Elle se passa sensuellement la langue sur les lèvres, puis regarda Marfeis et sa sœur.

-Que diriez-vous d’une deuxième partie de chasse ?

Azeleen refusa tout net.

-Sans moi. Je ne tiens pas à faire plus de victimes que ça ce soir. Mais si tu veux tu peux rester, Azalie. Tu connais le chemin jusqu’à l’hôtel.

Azeleen lança un regard à Marfeis. Elle espérait qu’il l’accompagnerait, et que Azalie continuerai sa chasse…

Le cœur d’Azeleen fit un bond dans sa poitrine. Elle s’agrippa au bras de Marfeis et dit d’une voix tremblante :

-Vous connaissez Azel ?

Mais son interlocuteur lui demanda de patienter. Azeleen se reprit. Elle venait de perdre son sang-froid, et elle détestait ça. Mais elle n’avait jamais été aussi près du but depuis des siècles…Elle avait parfois crût l’atteindre, mais il s’évanouissait aussitôt.
A première vue, la vampire paraissait calme et sereine, mais elle bouillait intérieurement. Azel, son cher Azel…qu’était-il devenu ? Avait-il changé depuis leur enfance ? Elle pressa légèrement le pas, bouillonnant littéralement d’impatience.
Ils arrivèrent enfin à l’hôtel. Azeleen entra la première dans la chambre. Elle referma la porte derrière Marfeis, puis se tourna vers lui. Elle demanda d’un ton impatient :

-Alors ? Où est Azel ?

Elle réalisa son impolitesse et invita le vampire à s’assoir. Elle-même s’assit sur le lit. Elle regarda intensément Marfeis, attendant qu’il se décide à parler.

Azeleen resta littéralement assommée par les brutales révélations faites par Marfeis. Cette histoire de virus était abracadabrante, et pourtant…Azeleen savait déceler le mensonge, et Marfeis disait la vérité. Mais peut-être pas toute la vérité…
Son frère préférait donc ne pas la revoir. Cette révélation, malgré les dernières paroles de Marfeis, lui firent l’effet d’un coup de poignard dans le cœur. Ses mains tremblèrent, mais elle agrippa sa robe jusqu’à ses articulations deviennent blanches, pour faire cesser ses tremblements.
Un sombre désespoir l’envahit. Sa famille était maudite…Ce virus était peut-être à la base des pulsions meurtrières qui avaient poussés son frère à s’exiler. Mais elle arrivait désormais à les maîtriser sans peine. Le plus grand danger était Azalie.
Azeleen leva les yeux sur le vampire qui était allongé sur son lit.

-Cette histoire est folle. Il fallait que ça tombe sur nous…Je vous remercie de vos explications. Mais vous ne m’avez pas donné tous les éléments. Que dois-je faire ? Je dois rester là, à veiller à ce qu’Azalie ne croise pas Azel ? Mais je ne sais même pas où il est ! Azalie ne doit pas le voir, mais moi je ne représente aucun danger !

La vampire s’était levée, parlant presque avec colère. Elle écarquilla les yeux. Elle venait encore de perdre son sang froid. C’était à cause de la chaleur de l’Inde, ou de la présence proche de son frère…Elle se rassit sur le lit l’air de rien. Ses yeux azur fixèrent intensément les yeux jaunes.

-Parlez-moi de ce virus, et de ces expériences. Racontez-moi qu’est-ce qu’on vous a fait, pourquoi on vous l’a fait, quel est votre rôle et quel est le miens dans cette histoire.

Son calme froid et sa détermination étaient revenus. Elle était prête à tout entendre. Elle ferait ensuite tout son possible pour aider son frère. Elle ferait tout pour le revoir.

Azeleen ne quittait pas Marfeis des yeux. Son regard restait froid et figé, elle ne laissait pas transparaître le flot d’émotion qui la submergeait. Elle devrait donc passer son temps à surveiller sa sœur pour le bien de son frère…Pour cela, elle devait renoncer à le voir. Et Azeleen n’était pas prête à entendre cette vérité.
De plus, elle sentait que Marfeis ne lui donnait pas tous les éléments. Cette impression l’énerva au plus haut point. Mais ce vampire n’avait pas l’air impressionnable, et elle n’avait aucun moyen de pression sur lui. Elle se résigna à la patience : elle parviendrait bien à lui faire cracher le morceau petit à petit. Elle dit d’une voix atone :

-Il me semble avoir compris vos explications sur ce virus, même si ça n’est pas très clair. Mais je voudrais que vous me parliez de mon frère. Comment va-t-il ? Il est en bonne santé ? Où se trouve t-il à l’heure qu’il est ? Où est-il allé tous ces derniers siècles ?

Elle se leva et fit les cent pas dans la pièce.

-Où qu’il soit, je veux le voir. Pour Azalie, on se débrouillera. Emmenez-moi jusqu’à lui.

Quand elle dit cela, son ton était froid, n’admettant pas la réplique.

Quand Marfeis lui répondit, Azeleen blêmit. Elle sentit la rage lui monter au cerveau. Elle enfonça ses ongles dans ses paumes. Ses yeux étincelèrent, mais Marfeis était déjà sortit. Elle était si près du but ! Et cet homme refusait de la conduire à son frère. En plus elle savait qu’il ne lui disait pas toute la vérité. Elle avait horreur de cette situation.
Sa colère lui embrouillait les idées. Elle commença à faire les cent pas dans sa chambre pour tenter de se calmer, mais sa rage ne décroissait pas. Elle avait une folle envie de mordre, de griffer, de faire mal, de tuer.
A ce moment là, Azalie rentra dans la pièce, légèrement essoufflée. Elle lança à Azeleen :

-C’est moi ou Marfeis vient de sortir de notre chambre ?

Elle n’eut pas le temps de finir sa phrase qu’Azeleen se jeta sur elle. La plus jeune vampire resta bouche bée, les yeux écarquillés de surprise. La rage d’Azeleen avait pris le dessus sur la raison. Elle agrippa Azalie à la gorge, enfonçant ses ongles dans la gorge blanche. Ses yeux étaient exorbités, étincelant de colère et de folie. Sa bouche était déformée en un rictus qui dévoilait ses longues canines.
Avec la rapidité d’un éclair, ses crocs se dirigèrent vers la gorge d’Azalie. Celle-ci, dans un réflexe de survie, décocha un coup de poing dans le ventre de sa sœur, qui recula et la lâcha. Azalie recula, une main sur la gorge et la respira sifflante, mais Azeleen se jeta à nouveau sur elle.
Les deux sœurs roulèrent au sol. Azeleen plaqua sa cadette au sol et lui lacéra le visage avec ses ongles. Azalie hurla et lui mordit sauvagement la main. Azeleen poussa à son tour un hurlement à peine humain, et ses canines fondirent à nouveau vers le cou de sa sœur, mais celle-ci plaça son bras en travers. Les crocs s’y plantèrent profondément.
Azeleen écarquille subitement les yeux. Elle était en train de se rendre compte de ce qu’elle faisait. Elle s’écarta brusquement d’Azalie, qui se recula contre le mur, fusillant Azeleen du regard. Azeleen resta agenouillée, les yeux dans le vague, haletante. Comment avait-elle pu perdre ainsi le contrôle d’elle-même ? Comment pouvait-elle avoir une telle sauvagerie en elle ? C’était Azalie qui était contaminée, par elle…Elle leva lentement les yeux vers sa sœur. Elle se maudit elle-même : elle avait failli la tuer alors qu’elle était sensée la protéger.
Des larmes brulantes lui vinrent aux yeux, mais elle les refoula sans pitié. Elle avait assez perdu son sang froid comme ça. Elle allait s’adresser à Azalie, quand la porte de leur chambre s’ouvrit à la volée.
Le gérant de l’hôtel se tenait dans l’encadrement de la porte, bouché bée devant le spectacle des deux sœurs échevelées et ensanglantées. Il balbutia :

-Que…que se passe t-il ?

Azeleen se leva lentement, s’avança de sa démarche féline, regardant le gérant droit dans les yeux. Celui-ci resta la bouche ouverte, muet de stupeur et de peur. Elle dit d’une voix douce et hypnotisante :

-Il ne se passe absolument rien, il n’y a pas eu de bruit, vous n’êtes pas entré dans notre chambre…

Le gérant eu un instant le regard vide, puis il acquiesça mollement et sortit en fermant la porte. Azeleen soupira, puis se tourna vers sa sœur.

-Pardonne-moi, s’il te plaît.

Azalie avait refusé que sa sœur l’approche. Ses yeux se remplissaient de haine dès qu’ils croisaient ceux d’Azeleen. Celle-ci était dans un état second. Sans même se déshabiller et panser ses plaies, elle s’allongea dans son lit, en espérant qu’elle ne se réveillerait plus jamais. Elle était d’ailleurs plus morte que vive. Une vive douleur, causée par le remord et la peine, rongeait tout son être. Elle ne s’était pas sentie aussi coupable que depuis le fameux « accident » de son enfance. A cause d’elle, son frère avait dû fuir la famille. Elle avait tué ses parents. Maintenant, elle avait failli tuer sa sœur, sa seule famille.
Sa douleur était si grande que les larmes ne parvenaient pas à couler. Azeleen savait maintenant que Marfeis voulait dire en lui disant qu’elle devait protéger Azalie : elle devait la protéger d’elle. C’était elle le danger, et pas Azalie. Cette idée mit du temps à faire son chemin dans l’esprit embrumé d’Azeleen. Elle finit par s’endormir. Elle n’entendit pas Marfeis qui s’était introduit dans la chambre.
Au matin, quand elle émergea lentement du sommeil, une certitude lui frappa l’esprit : c’était elle le danger pour son frère ; si Marfeis avait dit vrai (Azeleen était au moins sûre qu’il n’avait pas mentit sur ce point là), alors elle était la troisième enfant de la famille. Elle se redressa vivement. Comment cela était-il possible ? Avait-elle encore un frère ou une sœur aîné ? Elle resta interdite un moment. Encore un mystère au sujet de sa famille…
Elle tourna la tête pour regarder Azalie qui dormait encore, quand son regard s’arrêta sur une magnifique fleur de lys rouge et brune. Elle effleura délicatement les pétales fragiles. Un tel présent ne pouvait venir que de Marfeis. Il devait être déjà parti…Azeleen soupira. Elle avait encore des questions à lui poser.
Elle se glissa hors de son lit, puis s’avança vers Azalie. Elle dormait profondément. Son visage encore lacéré de rouge était crispé, ses poings serrés. Le cœur d’Azeleen se serra en la voyant. Elle lui effleura tendrement les cheveux, puis se détourna.
Elle prit un bain, enfila une belle robe brune, rangea ses affaires dans sa valise, griffonna un court mot à l’attention de sa sœur, puis sortit de la chambre sans faire de bruit. Elle retournait dans son pays natal, l’Autriche. Là se trouvaient les réponses à certaines de ses questions.

Vienne, Autriche, 16ème siècle. Avril.

Le soleil se couchait sur les rues grises de Vienne, répandant des lueurs rosées et orangée. Azeleen était assise dans un fiacre tiré par un cheval blanc, se dirigeant vers les quartiers riches du centre-ville. Elle portait une somptueuse robe d’un vert foncé, pourvue de fanfreluches et de pierreries. Ses épaules étaient couvertes d’une étole de soie venant d’Inde. Ses cheveux étaient relevés sur sa nuque blanche par des petites barrettes de perle en une coiffure compliquée et esthétique, laissant tomber sur sa nuque et sur ses yeux quelques mèches d’un noir de jais. Sur ses bras cliquetaient quelques jolis bracelets. Sur son majeur trônait une émeraude étincelante. Sur son cou blanc reposait un collier sertit d’émeraudes de différentes tailles et qui formaient un dégradé de verts. A ses oreilles pendaient de longues boucles assorties. Elle se rendait à un bal.
Cela faisait deux mois qu’elle était rentrée d’Inde. Elle avait immédiatement regagné son château, situé à la campagne, à plus de 100 km de la capitale. Elle avait envoyé une lettre à Azalie, ainsi qu’une lettre à un ami vivant à Bombay ; elle demanda à se dernier de veiller discrètement sur sa sœur. Azalie ne répondit jamais à sa lettre, mais l’ami d’Azeleen lui envoyait de temps à autre des nouvelles. Au bout de trois semaines, Azalie rentra en Autriche, mais elle ne passa même pas au château. Elle s’acheta un appartement confortable à Vienne.
Pendant deux mois, Azeleen avait passé son temps à faire des recherches sur sa famille. Elle reprit contact avec des parents plus ou moins éloignés. Ceux-ci furent un peu surpris, mais heureux d’avoir des nouvelles fréquentes d’Azeleen. Elle fouilla dans les anciennes affaires de ses parents, mais une bonne partie avait été jetée ou vendue. Elle traversa le château de fond en comble, sans trouver la moindre réponse à ses questions.
Elle reprit notamment contact avec sa tante Carmina, la sœur aîné de sa mère. Cette vieille femme un peu excentrique avait toujours adoré sa nièce. Azeleen avait décidé de profiter de cette affection pour lui soutirer des informations : sa mère et Carmina avaient toujours été très proches.
Aujourd’hui, Azeleen se rendait à un bal organisé par sa tante, dans son immense demeure au centre de Vienne. Des centaines de vampires venus de tous les clans étaient conviés. Cependant il n’y aurait là que des nobles et des aristocrates, principalement issus des clans Ventrue et Daeva. Carmina adorait tout ce qui était beau et noble. Elle méprisait sans se cacher les Nosferatu, qui étaient laids comme des poux.
Azeleen n’avait pas spécialement envie d’aller à ce bal, surtout qu’elle devrait revoir la plupart des membres de sa famille. De plus Azalie y serait. Elle se demandait comment la nuit allait tourner…Mais elle profitait de l’occasion pour séjourner quelques jours chez sa tante.
Le fiacre s’arrêta devant une immense maison. Le cocher ouvrit la portière et aida Azeleen à descendre.
Celle-ci monta les quelques marches et entra dans le hall. Ensuite elle monta l’escalier qui menait dans le grand salon, là où se tenaient toutes les réceptions. Là, se tenaient plusieurs centaines de vampires, tous parés de magnifiques atours. La salle était emplie d’un bourdonnement sourd de conversations. Parfois, un rire fusait.
Azeleen avança dans la salle ; elle affichait un petit sourire poli sur son visage lorsqu’elle croisait des visages connus. Elle ne tarda pas à trouver sa tante, qui menait la conversation dans un petit groupe de personnes. C’était une femme assez âgée mais encore très en forme. Ses longs cheveux blancs parsemés de gris étaient relevés en une coiffure magnifique, et elle portait une robe rouge absolument somptueuse et flamboyante. Elle ouvrit la bouche de ravissement quand elle vit sa nièce, et se jeta presque sur elle en la serrant dans ses bras.

-Oh ma petite Azeleen ! Que je suis contente de te voir ! Cela faisait si longtemps ! Tu es resplendissante ! Il me semble que tu as les joues un peu creuses…Mais tu n’as jamais été bien ronde de toute façon. Tu devrais te remplumer, ce sont les formes qui font vibrer les hommes !

Elle éclata d’un rire haut perché. Azeleen se contentait de sourire et d’acquiescer. Carmina prit sa nièce par le bras et l’emmena vers son petit groupe de personnes. Elle lui dit en chemin :

-J’ai plein de gens extraordinaires à te présenter ! Oh, Azalie est arrivée, mais je ne sais pas où elle est passé.

Azeleen discuta un moment avec les personnes présentes, toutes plus hautaines et vaniteuses les unes que les autres. Elle s’excusa poliment puis s’éloigna, cherchant d’autres visages connus.